Wednesday, October 03, 2007

Algérie: Pauvreté salariale et inflation Le difficile équilibre économique et social

Les prix à la consommation, les salaires, l’inflation, la baisse du pouvoir d’achat... ont été au centre des débats de la conférence tenue lundi soir par le Forum des chefs d’entreprises (FCE). Tout en se montrant très préoccupés par la hausse des prix, la faiblesse relative des salaires et de la productivité du travail, des patrons et des experts ont tenté, à travers leurs interventions, d’expliquer la genèse et les causes de la faiblesse de l’investissement productif en Algérie et la résurgence de l’inflation des prix. Pour le président du FCE, Réda Hamiani, l’économie mondiale pousse à une tendance haussière des prix des matières premières, ce qui s’exprime en Algérie par une inflation importée et donc par «une hausse des prix sans productivité». Selon cet ancien ministre de la PME, la faiblesse des investissements de qualité est directement liée aux «éternels» problèmes de l’accès au foncier, aux financements et aux entraves bureaucratiques. Hamiani a insisté à ce titre sur la nécessité de reconstituer la classe moyenne qui est garante de la stabilité économique et de l’amélioration du pouvoir d’achat. De son côté, Abdellatif Benachenhou, l’ancien ministre des Finances, a indiqué que «l’Algérie est installée dans une situation de pauvreté salariale donc de pouvoir d’achat». Une situation que Benachenhou attribue, entre autres, au bouleversement du modèle de consommation et ses conséquences néfastes sur les ménages durant les vingt dernières années, ainsi que l’évolution durant cette dernière décennie de la masse salariale au profit des entrepreneurs individuels, faisant que le salariat n’est plus la norme en Algérie. L’autre problématique responsable, selon M. Benachenhou, de cette «pauvreté salariale» est la question de l’accès au logement: «Avec les prix excessifs de l’immobilier, nous risquons de retomber dans le recours au logement social car le promotionnel ne sera plus accessible aux ménages», a-t-il estimé. Toujours en relation avec l’accès au logement, il a suggéré de libérer l’offre interne, déplorant le fait que la CNEP, par exemple, dispose de 1.000 milliards de dinars de dépôts mais ses prêts pour le logement ne dépasseraient pas les 160 milliards de dinars. Revenant sur la privatisation des entreprises publiques et les investissements étrangers, il a regretté que certaines démarches soient «restées sans suite» ou retardées. L’ex-chef du gouvernement Ahmed Benbitour a, pour sa part, souligné que trois bonnes opportunités s’offraient actuellement à l’économie nationale en quête de redressement. Il citera dans ce contexte la démocratisation du savoir, l’aisance financière (plus de 80 milliards de dollars de réserves de change sans endettement extérieur), un taux d’épargne publique appréciable (plus de 50% du PIB) et un rééquilibrage démographique entre 2000 et 2030. Il a par ailleurs estimé que l’investissement est concentré sur les infrastructures publiques et pas assez sur le capital humain et les technologies de l’information et de la communication (TIC). A l’issue des débats, experts et patrons ont mis l’accent sur la nécessité d’oeuvrer pour une politique de l’offre et trouver un consensus entre le secteur public et le secteur privé dans le but de maintenir l’équilibre économique et social du pays. La conférence-débat du FCE intervient au lendemain d’une rencontre ayant regroupé le chef du gouvernement et les opérateurs économiques. Belkhadem avait à l’occasion indiqué que «l’effort de l’Etat ne doit pas profiter aux spéculateurs de toutes sortes qui foisonnent dans l’appareil économique». Le chef du gouvernement, qui s’est insurgé contre les augmentations des prix de certains produits de consommation malgré le soutien des prix par l’Etat, a rappelé que la préoccupation majeure du gouvernement est la protection du pouvoir d’achat des citoyens. Le pouvoir d’achat, poursuit Belkhadem, ne se résume pas à l’augmentation des salaires qui, dans la situation actuelle, favorise les spéculateurs. Le chef du gouvernement a en outre appelé à une lutte concertée et en règle contre le marché informel, affirmant au passage que le gouvernement va fédérer ses énergies et les orienter en priorité vers la lutte contre l’informel qui prédomine dans notre économie. Belkhadem a affirmé que l’Algérie a des potentialités naturelles et humaines énormes, qui, si elles sont utilisées à bon escient, pourraient faire réduire le taux de chômage à 8% dans les six ou sept années à venir. Le «phénomène» de la hausse des prix et de la spéculation a été aussi l’un des points sur lequel le président de la République s’est longuement étalé à l’issue de l’audience consacrée au ministre du Commerce. Le chef de l’Etat a indiqué que l’augmentation actuelle des prix de certains produits à l’échelle mondiale est vraisemblablement une tendance durable, qui a certes des explications conjoncturelles mais aussi et surtout des raisons structurelles. Pour le cas de notre pays, le chef de l’Etat avait indiqué qu’en dehors de fondamentaux économiques, il faut dire aussi que la hausse des prix est aujourd’hui alimentée par la spéculation. Et c’est là, dira-t-il, un autre défi sérieux qui interpelle les pouvoirs publics pour affirmer l’autorité de la loi et protéger le consommateur tant dans son pouvoir d’achat que dans sa santé.
par Djamel B.Le Quotidien d'Oran. 03/10/2007

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